sabato 6 gennaio 2018

La fugitive.9.Marcel Proust



La fugitive.9..Marcel Proust                           

L’incipit di “Albertine disparue” ou” La fugitive “,d’après La Recherche de Marcel Proust.

Chapitre I

Le chagrin et l’oubli

“Mademoiselle Albertine est partie !” Comme la souffrance va plus loin en psychologie que
 la psychologie ! Il y a un instant, en train de m’analyser, j’avais cru que cette séparation sans
 s’être revus était justement ce que je désirais, et comparant la médiocrité des plaisirs que me
donnait Albertine à la richesse des désirs qu’elle me privait de réaliser, je m’étais trouvé  subtil,
j’avais conclu que je ne voulais plus la voir, que je ne l’aimais plus. Mais ces mots:
« Mademoiselle Albertine est partie » venaient de produire dans mon cœur une souffrance
elle que je ne pourrais pas y résister plus longtemps. Ainsi ce que j’avais cru n’être rien
pour moi, c’était tout simplement toute ma vie. Comme on s’ignore ! Il fallait faire cesser
 immédiatement ma souffrance. Tendre pour moi le même comme ma mère pour ma
 grand’mère mourante, je me disais, avec cette même bonne volonté qu’on a de ne pas
laisser souffrir ce qu’on aime: « Aie une seconde de patience, on va te trouver un remède,
 sois tranquille, on ne va pas te laisser souffrir comme cela. » Ce fut dans cet ordre d’idées
que mon instinct de conservation chercha pour les mettre sur ma blessure ouverte les premiers
almants: « Tout cela n’a aucune importance parce que je vais la faire revenir tout de suite. Je
 vais examiner les moyens, mais de toute façon  elle sera ici ce soir. Par conséquent inutile de
 se tracasser. » « Tout cela n’a aucune importance », je ne m’étais pas contenté de me le dire,
j’avais tâché d’en donner l’impression à Françoise en ne laissant pas paraître devant elle ma
souffrance, parce que, même au moment où je l’éprouvais avec une telle violence, mon amour
n’oubliait pas qu’il lui importait de sembler un amour heureux, un amour partagé, surtout aux
yeux de Françoise qui, n’aimant pas Albertine, avait toujours douté de sa sincérité. Oui, tout à
l’heure, avant l’arrivée de Françoise, j’avais cru que je n’aimais plus Albertine, j’avais cru ne rien
 laisser de côté; en exact analyste, j’avais cru bien connaître le fond de mon cœur. Mais notre
 intelligence, si grande soit1elle, ne peut apercevoir les éléments qui le composent et qui restent
 insoupçonnés tant  que, de l’état volatil où ils subsistent la plupart du temps, un phénomène
capable de les isoler ne leur a pas fait subir un commencement de solidification. Je m’étais trompé
en croyant voir clair dans mon cœur. Mais cette connaissance que ne m’avaient pas donnée les plus
 fines perceptions de l’esprit venait de m’être apportée, dure, éclatante, étrange, comme un sel
 cristallisé par la brusque réaction de la douleur. J’avais une telle habitude d’avoir Albertine auprès
 de moi, et je voyais soudain un nouveau visage de l’Habitude. Jusqu’ici je l’avais considérée surtout
comme un pouvoir annihilateur qui supprime l’originalité et jusqu’à la conscience des perceptions;
 maintenant je la voyais comme une divinité redoutable, si rivée à nous, son visage nsignifiant si
 incrusté dans notre cœur que si elle se détache,ou si elle se détourne de nous, cette déité que
 nous ne distinguions presque pas nous inflige des souffrances plus terribles qu’aucune et qu’alors
elle est aussi cruelle que la mort.
 Le plus pressé était de lire la lettre d’Albertine puisque je voulais aviser aux moyens de la faire
 revenir. Je les sentais en ma possession, parce que, comme l’avenir est ce qui n’existe que dans
 notre pensée, il nous semble encore modifiable par l’intervention in extremis de notre volonté.
Mais, en même temps, je me rappelais que j’avais vu agir sur lui d’autres forces que la mienne
 et contre lesquelles, plus de temps m’eût1il été donné, je n’aurais rien pu. À quoi sert que l’heure
 n’ait pas sonné encore si nous ne pouvons rien sur ce qui s’y  produira ? Quand Albertine était à la
maison, j’étais bien décidé à garder l’initiative de notre séparation. Et puis elle était partie. J’ouvris
 la lettre d’Albertine. Elle était ainsi conçue:
« MON AMI,
» Pardonnez-moi de ne pas avoir osé vous dire de vive voix les quelques mots qui vont suivre,
mais  je suis si lâche, j’ai toujours eu si peur devant vous, que, même en me forçant, je n’ai pas
eu le courage de le faire. Voici ce que j’aurais dû vous dire. Entre nous, la vie est devenue
impossible, vous  avez d’ailleurs vu par votre algarade de l’autre soir qu’il y avait quelque chose
de changé dans nos rapports. Ce qui a pu s’arranger cette nuit1là deviendrait irréparable
uelques jours. Il vaut donc mieux, puisque nous avons eu la chance de nous réconcilier,
nous quitter bons amis.C’est pourquoi, mon chéri, je vous envoie ce mot, et je vous prie
d’être assez bon pour me pardonner si je vous fais un peu de chagrin, en pensant à
 l’immense que j’aurai. Mon cher grand ami,je ne veux pas devenir votre ennemie, il me
 sera déjà assez dur de vous devenir peu à peu, et bien vite, indifférente;aussi ma décision
étant irrévocable, avant de vous faire remettre cette lettre par Françoise, je lui aurai demandé
mes  malles. Adieu, je vous laisse le meilleur de moi-même. »
ALBERTINE.

                                                      *****                                       
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